Même aux Etats-Unis, le gaz de schiste a du plomb dans l’aile

Publié le par Greenpeace ville de Québec

Energie | Alors que le débat fait rage en Europe, aux Etats-Unis, où des milliards sont investis dans cette «énergie miracle», la peur s’installe.

© DR | Une exploitation de gaz de schiste dans le bassin de la Delaware, en Pennsylvanie.


Cathy Macherel | 27.06.2011 | 00:01

De l’eau qui s’enflamme lorsqu’elle sort du robinet, des familles entières qui tombent malades, des animaux qui perdent leurs poils inexplicablement: il y a un an, un documentaire américain (GasLand, de Josh Fox, nommé aux Oscars) éveillait des soupçons sur la dangerosité de l’exploitation du gaz de schiste par fragmentation hydraulique (en anglais fracking), une technique qui consiste à injecter de l’eau associée à des produits chimiques sous la terre. Alors que le débat fait rage en Europe – la France vient de voter une loi d’interdiction controversée de la technique de forage – les Etats-Unis, pourtant pionniers dans le domaine, semblent eux aussi pris de doute.

La semaine dernière, Morgantown City, en Virginie-Occidentale, a été la 55e ville à bannir les forages gaziers par fragmentation hydraulique, préférant risquer de priver la région des 35 000 emplois que génère cette industrie jusqu’ici en plein boom. Alors que l’Europe commence seulement à s’y intéresser (la Pologne fonce dans cette miraculeuse brèche énergétique), en 2009, les Etats-Unis, grâce à ces nouvelles techniques, sont devenus le premier exportateur mondial de gaz, au gré d’une exploitation effrénée du gaz de schiste: avec 493 000 forages, il représente aujourd’hui dans ce pays 23% de la production totale de gaz, contre 1% en 2000.

Mille cas de contamination

Profitant de l’aubaine, nombreux sont les habitants de l’Amérique rurale ayant vendu à prix fort à des compagnies gazières l’exploitation de leur terrain. Certains le regrettent amèrement. Une dizaine d’études scientifiques conduites ces dix-huit derniers mois aux Etats-Unis sur l’exploitation du gaz de schiste pointent des rejets accidentels d’eau chargée de métaux lourds, de benzène ou de méthane dans la nature, polluant parfois les nappes phréatiques. Plus de 1000 cas de contamination de l’eau potable auraient déjà été rapportés. Selon des documents confidentiels de l’Agence énergétique américaine, révélés en février dernier par le New York Times, les eaux usées rejetées par les forages de gaz de schiste en Pennsylvanie sont radioactives à des taux qui peuvent atteindre 1000 fois les limites autorisées pour l’eau de boisson. Or les usines de retraitement n’arrivent pas à ramener cette radioactivité à des taux inférieurs aux limites autorisées.

Moratoires à la chaîne

Alors qu’une campagne est menée pour une interdiction nationale du «fracking», les Etats réglementent un à un cette industrie, avec plus ou moins de sévérité. L’an dernier, l’Etat de New York a imposé un moratoire de six mois sur la technique. Le procureur général du même Etat déposait une plainte en mai dernier contre le gouvernement fédéral pour ne pas avoir protégé les rives du fleuve Delaware qui alimente en eau 15 millions de personnes. Au début du mois de juin, même le très conservateur Etat du Texas a édicté une loi exigeant que les compagnies gazières dévoilent les produits chimiques qu’elles utilisent pour effectuer leurs forages. Le 21 juin, c’est l’Arkansas qui votait un moratoire, cette fois en raison des 1220 tremblements de terre provoqués dans l’Etat en raison des forages.

Jusqu’ici, l’industrie gazière a minimisé l’impact de la technologie, avec, il est vrai, un allié de poids: l’administration américaine elle-même. En 2005, le vice-président Dick Cheney avait spécifiquement fait exempter le «fracking» des techniques régulées par l’Agence de protection de l’environnement, stipulant que la teneur des additifs chimiques présents dans l’eau de forage était très faible. Une thèse à laquelle même les compagnies gazières n’osent plus adhérer.

En avril dernier, la Marcellus Shale Coalition, le lobby de l’industrie gazière, a reconnu que le «fracking» était responsable de l’augmentation de composants chimiques dans l’eau potable alimentant la ville de Pittsburgh. Et ses ennuis ne sont peut-être pas terminés. Hier, le New York Times laissait entendre, en publiant des documents, que les industriels sont maintenant soupçonnés d’avoir exagéré le potentiel de leurs gisements.

 

 

http://www.tdg.ch/actu/monde/etats-unis-gaz-schiste-plomb-aile-2011-06-26

Publié dans Gaz de schiste

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